As we may...

J'ai présenté dans l'article «  La redécentralisation d'Internet : une question de pouvoir et littératie » le mouvement de décentralisation, concentration et redécentralisation d'Internet :

1. Internet est un réseau décentralisé par son histoire et sa conception : les serveurs connectés au sein du réseau peuvent communiquer également avec tous les autres ; il n'y a pas des nœuds périphériques et d'autres centraux qui auraient plus de droits (comme celui d'avoir la priorité sur les autres). Ce principe est ancré dans le concept de neutralité du net^[2].

2. On observe une concentration des services sur Internet et sur le Web en particulier : une poignée d'acteurs, les géants du Web, les GAFAM, sont de fait au centre des usages du réseau, entraînant un déséquilibre dans les rapports de force, étouffant l'existence des autres acteurs, et remettant en cause la neutralité du net.

3. Des organisations se positionnent pour un mouvement de redécentralisation : ce mouvement vise à se réapproprier les échanges sur le réseau en réorganisant des espaces indépendants des grandes plates-formes.

Deux problématiques s'articulent alors :

• en quoi et comment est-ce techniquement faisable ?

• en quoi et comment est-ce socialement acceptable ?

C'est en cela une question de recherche technologique dans l'acception du laboratoire Costech, théorisée par la thèse « TAC », c'est à dire un problème socio-technique qui s'étudie comme couplage entre ce que l'humain fait à la technique et ce que la technique fait à l'humain.

La création et l'animation de Picasoft est de ce point de vue une démarche de recherche-action qui renvoie au slogan : « faire pour comprendre et comprendre pour faire ».

Picasoft offre un terrain permettant d'étudier en conditions réelles la mise en place de solutions concrètes, d'observer les conditions nécessaires à leur mise en place, ainsi que les problèmes que cela pose.

Nous inscrivons cette action dans le cadre d'une recherche sur la littératie numérique. L'enjeu est de définir ce qui est nécessaire aux citoyens pour disposer de leur pouvoir d'agir dans le monde numérique.

Lorsque j'envoie un mail au bureau des étudiants en juin 2016 pour évoquer la création d'un Chaton à l'UTC, je suis rapidement contacté par Kyâne Pichou alors membre de l'association Rhizome, le FAI associatif de l'UTC. Nous commençons entre septembre et décembre 2016 par :

• réunir des étudiants motivés par l'aventure au sein d'un club (structure informelle de l'UTC),

• acquérir et configurer deux serveurs sur fonds de recherche (Alice & Bob, hébergés par l'association Tetaneutral à Toulouse),

• mettre à disposition deux services (Etherpad et Mattermost sous les adresses pad.picasoft.net et team.picasoft.net).

La mise en place de l'infrastructure de Picasoft est réalisée dans le contexte pédagogique d'une TX réalisée par Antoine Barbare et Grégoire Martinache. Une infrastructure fondée sur Docker est opérationnelle et les services Etherpad et Mattermost sont ouverts fin 2016.

• 13 décembre 2016 : Ouverture du premier service de Picasoft, Mattermost sur team.picasoft.net.

• 21 décembre 2016 : Premier atelier autour du chiffrement de mail.

• 1er mars 2017 : L'association Picasoft est créée par l'AG constitutive, son premier président est Rémi Uro.

• 7 mars 2017 : Première journée de conférences avec Pierre-Yves Gosset et Frédéric Urbain de Framasoft, ainsi que Valentin Grimaud.

• 7 juillet 2017 : Picasoft devient officiellement un Chaton^[3].

• 12-15 octobre 2017 Participation pendant quatre jours à la Fête de la Science à l'UTC.

• 3 décembre 2017 : Première contribution au logiciel Framadate.

• 16-20 avril 2018 : Animation d'un stage d'une semaine pour 25 étudiants de l'UTC "Introduction aux systèmes et réseaux, de Linux à l'auto-hébergement".

Au cours d'une semaine, l'association anime différents ateliers auprès d'élèves allant de la maternelle au lycée. Ces ateliers de présentation d'alternatives libres, d'aide à la compréhension de l'informatique, ou de sensibilisation à la vie privée permettent d'atteindre un public plus jeune, qui est encore en train d'apprendre à utiliser les outils informatiques (Pichou, 2018^[37]).

La fête de la science se prolonge ensuite quelques semaines par des interventions en collèges et lycées et à l'UTC.

Des vidéos peuvent être déposées sur PeerTube longtemps après leur première publication. Par exemple un clip musical des années 1970 publié en 2018 gagnerait à pouvoir être daté en référence à son époque de création et non d'ajout à Peertube. Un autre exemple, des utilisateurs souhaitant migrer de YouTube à PeerTube voudront importer d'anciennes vidéos en indiquant les dates de publications initiales sur YouTube.

• 282 messages en moyenne par jour sur Mattermost (données étudiées sur la période 15/02/2018 au 30/06/2018)

  • 134.420 messages postés (cumul depuis la création de l'instance, le 29 novembre 2018)

  • le jour où il y a eu le plus de messages sur Mattermost est le 22 juin 2018 avec 838 posts

• 1.501 comptes sur Mattermost (cumul, le 29 novembre 2018)

  • le jour où il y a eu le plus de personnes ayant posté un message est le 22 octobre 2018 avec 101 utilisateurs.

• 1.234 pads sur Etherpad (cumul, le 29 novembre 2018)

• 26 adhérents à l'association (le 29 novembre 2018)

• 2 adhésions de soutien (Costech et CompiègneEnTransition, le 29 novembre 2018)

• 300 étudiants par an sensibilisés par les conférences et ateliers (estimation)

• 40 installations par an de GNU/Linux lors des install partys (estimation)

• 1.000 personnes par an (étudiants, élèves de collèges et lycées, citoyens) sensibilisées aux logiciels libre et à la centralisation du web dans le cadre de la fête de la science (estimation)

• 100 étudiants formés à Git par an (estimation)

  • 8 heures de formation assurées par l'association par inter-semestre

• 25 étudiants par inter-semestre formés à l'hébergement de services dans le cadre des Api

  • 40 heures de formation assurées par l'association par inter-semestre

• 23 étudiants encadrés lors de TX (cumul depuis la création de l'association)

  • 10 TX par an (moyenne)

  • 1.000 heures de travaux étudiants en lien avec l'association par an (estimation)

  • 150 heures d'encadrement par l'association par an (estimation)

• 11 modules d'auto-formation sur l'hébergement publiés sur school.picasoft.net (environ 30 heures de formation)

Administrer des serveurs et assurer le fonctionnement de services en situation réelle, avec plusieurs centaines d'utilisateurs demandent d'acquérir des compétences informatiques mais également une pratique régulière. Il y a peu de personnes disposées à consacrer le temps nécessaire au bon fonctionnement technique de l'infrastructure.

• Animer des sessions techniques régulières.

• Sensibiliser les élèves ingénieurs à l'importance des compétences en système.

• Articuler les activités de l'association avec l'enseignement de l'informatique.

Les étudiants de l'UTC restent rarement plus d'un an "en place" (stages, semestres à l'étranger...), il y a donc un risque de ne pas pouvoir assurer la continuité de service lors d'un renouvellement important.

• Impliquer les enseignants.

• Conserver les anciens élèves le plus longtemps possible au sein de l'association, notamment en les impliquant sur la formation des nouveaux.

« Pourquoi vous ne proposez pas ce service là aussi ? » (Pichou, 2018^[37])

Le spectre d'intervention potentielle est très large : ouvrir un nouveau service, améliorer un service existant, faire de l'hébergement sur mesure pour d'autres associations, participer à des manifestations, organiser des ateliers sur telle ou telle technologie... Il est difficile de rejeter les demandes pertinentes, et en même temps les accepter met en danger la solidité de l'existant (chaque espace technique ouvert augmente la surface de maintenance à moyen terme) et par conséquent la solidité du discours (si les services cassent, les utilisateurs auront une image négative des services associatifs).

• Le réseau des Chatons permet de proposer des alternatives en dehors de l'association.

• Assumer le caractère long terme de l'approche (l'enjeu n'est pas de tout changer demain, mais de viser à rétablir l'équilibre petit à petit).

« Votre service là il est cool, mais celui de Google il est mieux, du coup personne ne va changer pour le vôtre. » (Pichou, 2018^[37])

Même si l'actualité conduit plutôt les publics à être réceptifs au discours de sensibilisation, il reste difficile d'expliquer les enjeux, qui restent essentiellement prospectifs (si les GAFAM... alors...) et de convaincre de changer ses pratiques pour un résultat théorique ou collectif.

• Mettre en avant certains actes permettent de s'engager simplement dans la dégafamisation (changer de navigateur ou de moteur de recherche).

• Participer à la production de littérature scientifique et à l'inscription de la problématique dans le contexte universitaire.

Ouvrir au public des services déjà exploités en interne (par exemple Wekan) ou ajouter de nouveau services (par exemple Framadate ou PeerTube auxquels nous contribuons).

Disposer de suffisamment d'adhésions de soutien et de dons pour assurer notre financement à long terme.

Proposer une offre de formation en informatique dont le suivi est assuré par les étudiants.