Une définition de l'enseignement

L'enseignement comme dispositif

Un enseignement est un dispositif mis en place par un ou des individus (les enseignants) pour un ou des individus (les apprenants) afin remplir un objectif d’acquisition de nouveaux savoirs, savoir-faire et savoir-être.

« [L'enseignement] s'intéresse non seulement à la fin visée (transmettre des savoirs) mais aussi aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre cette fin (Prairat, 2016). »

Terminologie : enseignement et formation

Nous utiliserons enseignement et formation en tant que synonymes.

L'enseignement comme couplage prescription, organisation, certification

Un enseignement se compose de trois composantes fondamentales :

  • La prescription d'un parcours décrivant le travail que l'on doit effectuer (étudier, comprendre, apprendre, pratiquer, écrire, résoudre...) pour remplir ses objectifs. La prescription est en ce sens un modèle de l'objectif.

  • L'organisation spatio-temporelle du travail (seul et en interaction avec les enseignants et les autres étudiants) qui permet de réaliser la prescription dans un cadre standardisé et optimisé en moyenne. L'enseignant impose un suivi proactif à l'apprenant.

  • La certification de la réalisation de la prescription. C'est à dire l'attestation que la prescription a été correctement suivie.

Certification et incertitude du résultat

Le résultat d'un enseignement est un objectif incertain comme le souligne Prairat (2016) en citant Israël Scheffler. Il ne peut donc être la condition de l'enseignement. C'est pourquoi la certification est intrinsèquement lié à la prescription, car c'est à elle et à elle seule qu'elle renvoie. Il ne peut y avoir de certification de l'objectif en tant que tel, mais uniquement de son modèle. On ne peut pas certifier le fait de "savoir concevoir des bases de données" dans l'absolu, mais uniquement le fait d'avoir suivi correctement une prescription particulière (avec ses choix, ses points de vue...) qui vise à l'acquisition de cet objectif (qui sera toujours partielle et partiale).

Enseigner, c'est travailler à faire travailler

On peut définir donc un enseignement comme la création d'une situation d'apprentissage par un individu, l'enseignant, pour un groupe d'individus, les apprenants.

Cette situation comprend généralement une prescription (ce que les apprenants doivent faire), une organisation (comment ils doivent le faire) et une certification (une mesure ce qu'ils ont fait). Les objectifs d'un enseignement peuvent être multiples : acquérir des connaissances ou des compétences, réussir un examen, accéder à un métier, être valorisé, se faire violence, se faire plaisir...

Mais le point commun de tout enseignement est le faire que les enseignants veulent convoquer de la part des apprenants.

Enseigner, c'est donc faire faire.

Faire faire

Prairat (2016) propose trois facettes du verbe enseigner :

  • "enseigner que", c'est à dire faire connaître quelque chose

  • "enseigner à", c'est à dire faire savoir faire quelque chose

  • "enseigner" un domaine (biologie, philosophie, mathématiques...), c'est à dire donner à connaître un cadre théorique qui transcende l'action pour pouvoir la comprendre au delà de seulement savoir l'exécuter.

L'auteur précise que ces trois facettes sont indissociables (« Enseigner la philosophie, c'est aussi enseigner à faire une dissertation ou à savoir commenter un texte philosophique. De sorte que lorsque l'on enseigne, on enseigne aussi « à ». »). Donc finalement enseigner, c'est donner accès au faire - c'est faire faire - dans un cadre théorique qui permet de comprendre ce faire.

Faire travailler

On peut reformuler ce faire faire à partir d'une conception du travail que l'on empreinte à Ponchaut et Salzmann (2014) : « travailler, c'est quand cela ne va pas de soi, et qu'il faut y mettre du sien » ; et notamment à leur lecture de Christophe Dejours (2011) qui nous permet d'ajouter « qu'il y a la promesse de s'accroître soi même ».

Le travail (dans la version positive qui est présentée et qui nous intéresse ici) implique :

  • une résistance du réel : « cela ne va de soi », il y a quelque chose que je ne parviens pas faire, une situation d'échec a priori ;

  • un effort à fournir : « il faut y mettre du sien », il y a une implication personnelle, voire une souffrance, et une obstination en retour qui permet le dépassement ;

  • un enrichissement: « il y a une promesse de s'accroître soi-même », ce que l'on y a mis de nous nous est restitué différemment, avec un gain, on en ressort transformé, plus riche.

On peut faire l'analogie avec le sens physique du travail (W), le travail d'une force met en jeu une dépense d'énergie et un déplacement ou une déformation.

Enseigner, c'est alors faire travailler.