Conclusion : ataraxie numérique

Ataraxie épicurienne

Épicure définissait l'ataraxie comme un état d'absence de trouble et proposait, pour rechercher cet état, une hiérarchie des plaisirs fondée sur la modération et une priorisation des besoins. Les besoins nécessaires et naturels (manger, dormir, boire), puis les besoins non nécessaires et naturels (faire l'amour), puis enfin les besoins non nécessaires et non naturels (philosopher, jouer).

J'ajoute les besoins nécessaires et non naturels qui me semblent manquer à cette typologie (cultiver la terre, faire vivre la cité).

Ataraxie numérique

En ouverture, on propose de décliner quatre couplages entre techniques et besoins qui peuvent servir comme outils d'aide à la décision quant à ce qu'il conviendrait de faire.

  1. Les techniques numériques nécessaires pour les besoins nécessaires devraient probablement rester aussi absentes que possible, si l'on considère leur caractère intrinsèquement high-tech.

  2. Les techniques numériques non nécessaires pour les besoins nécessaires devraient faire l'objet d'une appropriation populaire et d'une logique d'évaluation démocratique : qu'apportent-t-elles ? que coûtent-elles au niveau soutenabilité et autonomie ? que coûterait leur disparition ? Le vélo électrique est encore un vélo qui soutient les savoir-faire et aménagements territoriaux associés. Optimiser certaines techniques agricoles permet de limiter le recours aux pesticides, tandis que l'usage de drones pollinisateurs entérine la disparition des insectes dont c'est aujourd'hui le rôle. Le vote électronique abolit les principes de transparence ou de secret sans apporter au fonctionnement démocratique.

  3. Les techniques numériques non nécessaires pour les besoins non nécessaires, jouer, lire, regarder des vidéos..., peuvent être évaluées au regard de leur impact environnemental et leurs potentiels d'addiction. Elles sont facilement substituables, si Netflix devait être coupé demain, le bonheur de personne ne serait radicalement en question.

  4. Les techniques nécessaires pour les besoins non nécessaires, comme le trading haute fréquence, sont peut-être les premières à réinterroger.

Une méthode plutôt qu'une morale

Il ne s'agit pas d'établir un décalogue, d'édicter une morale, mais de forger une éthique hédoniste (ou eudémoniste) où le bonheur est la finalité de la raison. Il s'agit donc de chercher des moyens de penser pour mieux vivre avec nos objets techniques.

Vous auriez peut-être rangé certains de mes exemples dans d'autres cases que je ne l'ai fait, et la discussion qui en résulterait serait une première étape pour convenir d'une low-technicisation de nos outils numériques afin de bâtir une société plus conviviale.