Notes de lecture "Why MOOCs won't save our education system" (Collins, 2013)

Cet article est l'occasion de rappeler à mon sens les deux aspects structurants de l'innovation propre aux Mooc d'une part : massive et open ; et leur origine américaine - avec le contexte associé - d'autre part.

À propos de l'auteur Malcolm Collins

« Malcolm Collins is the founder of Gigaverse, an online learning resource that shows people how to translate their talents into income. A grad student at the Stanford Graduate School of Business, Malcolm has a professional background in neuroscience with specialization in schizophrenia and brain-computer interface. In his spare time, Malcolm hangs out online, plays PC games, reads fanfiction, listens to lectures on tape, and writes on the subject of online cultures. He is known for his ultra-nerd exploits such as his Reddit marriage proposal. »

À propos du site The Daily Dot

« The Internet is the story of the 21st century. It touches each of our lives daily—from our first Instagram scan over coffee to our last snapchat of the evening. We absorb the world through social feeds, and watch social issues play out online in real-time in between cat videos. Public opinion isn't just measured on the Internet—it takes shape there. It is more influential than governments or religion, and it deserves to be covered with incredible scrutiny. The beats the Daily Dot covers may not be traditional today, but they will be the new normal tomorrow. »

À propos de ces notes de lecture

Ces notes sont la reprise et le prolongement d'un post envoyé le 20 octobre 2013 sur la mailing-list du réseau "Numer-Univ" (http://www.reseau-terra.eu/rubrique285.html).

Innovations ? Massive et Open

Open Course

La première innovation (potentielle) du Mooc est organisationnelle en terme de formation : des certificats fournis par des établissements (renommés), plus facilement accessibles (au sens des prérequis scolaires, pas forcément intellectuels, et des coûts, ce qui est fondamental dans le contexte étasunien, plus discutable en France ou l'université est (quasi) gratuite). Il y a historiquement et intrinsèquement besoin d'une certification associée à l'ouverture pour différencier une logique de centre de ressources encyclopédique (bibliothèque) et formation : ce qui fait la formation c'est la scénarisation du contenu pour remplir un objectif identifié au début (je veux savoir/savoir-faire/savoir être) et certifié en fin de parcours (je sais/sais-faire/sais-être).

Cette certification peut être très éloignée des logiques de diplomation universitaire (cf. openbadges.org par exemple), mais doit exister pour valider et faire reconnaître sa formation. Reste à la société - en particulier la sphère économique - à la valoriser ou non, mais ce n'est "que" question de réputation, de culture...

Massive Course

La solution proposée est l'introduction de l'apprentissage entre pairs qui permet d'abord de pallier le manque de temps professeur/expert (en faisant l'hypothèse qu'une part importante des actes d'apprentissage peuvent se faire avec un faible différentiel d'expertise pédagogique et de contenu). Mais cette approche permet d'autre part - et c'est certainement in fine son premier bénéfice - de faire progresser "ceux qui aident", à la fois en termes de contenu et de pédagogie (se mettre en situation d'enseigner est une excellente façon d'apprendre).

Ces deux prismes permettent aussi de comprendre - puis remettre en cause - la vidéo expositive (en particulier de "maîtres") : c'est le support à une forme de reconnaissance ("j'ai suivi le cours de") et une réponse économique à la massification (ne se distinguant que peu de l'amphi en ce sens). Le travail sur des textes, spécifiquement écrits ou issus du patrimoine existant des disciplines, experts ou de vulgarisation, est tout aussi pertinent a priori. La condition est bien le passage au mode Course, ce qui implique suivi pédagogique (logique de moyen, qui peut être basée sur les pairs) et objectif de formation (logique de fin, au sens de terminer et de parvenir).

Le Mooc est potentiellement le cheval de Troie permettant de faire tomber (ou au moins fissurer dans un premier temps) deux murs porteurs de la formation supérieure : les formats et délivreurs de certifications ; et la verticalité de l'enseignement.

Cela est parfaitement posé par cette phrase de l'article :

« The potential is vast, but it won't be realized until MOOCs abandon their attachment to antiquated paradigms such as lectures and brand name universities ».

Si je partage fondamentalement cette analyse, au sens où le numérique a selon moi la force nécessaire pour conduire à la fragilisation du modèle actuel de l'enseignement supérieur (en particulier), on pourra être plus prudent sur les réponses proposées et la posture adoptée (ici pro-révolution). 

Gratuité et valorisation

« Work really hard in grade school, so you can get into a very good and very expensive college. Work extremely hard in college, so you can get a great job when you graduate. Then, use that job to pay off the sizable debt you acquired to pay for college. If you're really ambitious, go into more debt—a lot more—to get a graduate degree in your chosen field, on the gamble that it will be a worthwhile investment in a future career. »

L'enseignement supérieur aux États-Unis est basé sur les dettes personnelles, que l'on espère (gamble) rentabiliser par son emploi plus tard.

En France, la question de la disponibilité de la formation pour l'étudiant ne se pose pas, encore, de façon aiguë : l'université est relativement facile d'accès (BAC, voire équivalences) et peu coûteuse (au contraire des États-Unis). Le paiement pour de la formation via des MOOC (certification, tutorat professoral...) décale probablement le rapport à la formation : s'il y a investissement personnel en argent (et plus seulement en temps dans un processus relativement "transparent" de continuité des études), il y a certainement attente d'un gain valorisable plus important et plus centré sur la dimension financière (un "retour sur investissement", à l'instar des écoles de commerce privées typiquement).

Cet article est aussi l'occasion de rappeler le contexte de la naissance des Mooc et la prégnance de ce contexte dans le débat actuel. L'enseignement supérieur étasunien au sein duquel ils sont nés, n'a pas les mêmes préoccupations immédiates que le nôtre.

Sans entrer dans les clichés, sans jugement de valeur, et sans en être expert, on relèvera, pour ne pas les oublier :

  • le coût de la formation universitaire portée par l'étudiant associé à la notion d'endettement (voir début de l'article) ;

  • la moindre appétence pour des contenus plus abstraits, moins opérationnels, moins directement professionnalisant (voir « courses in “Canine Theriogenology for Dog Enthusiasts” and “Dinosaur Paleobiology” [...] are not likely to make students concretely more hireable » versus la mise en avant de contenu très opérationnel (cf. la fin, au sein de gigaverse.com « Learn how to make money online through practical guides and courses »).

Je souhaite donc mettre l'accent dans le contexte français, sur :

  • la certification : comme finalité de la formation et outil de sa valorisation.

  • l'accompagnement pédagogique : le coût est transféré de fait à l'individu, auto-organisation, paiement individuel des services de tutorat, de certification... ; le pair-à-pair pourrait permettre de rendre ce coût soutenable (logique communautaire d'échange de services gratuits, ou monétisation de tutorat).