Convialité : vouloir et pouvoir faire des choix (promouvoir des nos-tech)
Alternatives
Vers des nos-tech
Le concept de convivialité chez Ivan Illich implique la possibilité de choisir les technologies que l'on souhaite utiliser, ainsi que la possibilité de les réparer, de les adapter, de les faire siennes.
Les alternatives à bâtir s'appuient sur trois forces qui s'opposent à celles qui restreignent la possibilité du choix dans le domaine du numérique :
la résistance à la consommation (qui s'oppose à la publicité dont l'objet est la manipulation intentionnelle des individus) ;
l'informatique libre (qui s'oppose aux matériels et logiciels placés sous des licences propriétaires dont l'objet est de restreindre légalement les possibilités d'agir au niveau technique) ;
la littératie numérique (qui s'oppose à la méconnaissance populaire d'une pratique informatique et conduit à s'en remettre à des entreprises qui échappent au contrôle démocratique).
Résistance à la consommation (avoir le choix)
« La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays. Nous sommes pour une large part gouvernés par des hommes dont nous ignorons tout, qui modèlent nos esprits, forgent nos goûts, nous soufflent nos idées. C'est là une conséquence logique de l'organisation de notre société démocratique. Cette forme de coopération du plus grand nombre est une nécessité pour que nous puissions vivre ensemble au sein d'une société au fonctionnement bien huilé. (Bernays, 2007[1]) »
Ces premiers mots du livre Propaganda d'Edward Bernays ne sont pas ceux d'un conspirationniste, mais ceux d'un des premiers théoriciens de la publicité qui a contribué à la société de consommation moderne.
Or la publicité pose un problème à la puissance deux :
Son objet est de générer une consommation inutile a priori, elle est donc ontologiquement antinomique avec une soutenabilité fondée sur des formes de réduction de la consommation.
Elle dépossède les utilisateurs de leur capacité de choix par la mise en scène de la nouveauté et de l’obsolescence.
Les révélations d'Edward Snowden en 2013 ont permis de mettre au jour les mécanismes de captation des données par les géants du numérique comme Google et Facebook dont les modèles économiques reposent fondamentalement sur la publicité.
Pour s'y soustraire il faut envisager la rémunération directe des services numériques que l'on utilise. C'est ce que propose par exemple en France les membres du CHATONS (Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires) créé sous l'impulsion de l'association Framasoft.
Il faut également réinterroger la fonction d'un Amazon — dont la valeur ajoutée réside en la possibilité d'une consommation compulsive, immédiate, facile d'accès, et à faible coût puisque les coûts environnementaux induits ne sont pas payés a priori par celui qui consomme — pour penser une consommation qui s’inscrit dans le temps long, et échappe ainsi plus facilement à la propagande et au remplacement. On pourra citer des initiatives comme celle de Label Emmaüs sur ce terrain en France.
Informatique libre (faire en commun)
La culture libre est une condition nécessaire pour sortir d'une société numérique dirigée par les ingénieurs, en ce sens qu'elle permet la mise en commun. Le terme de convivialité se décline ici au sens de bien vivre ensemble, de faire ensemble.
C'est typiquement le modèle de Wikipédia, commun mondialement utilisé, techniquement simple, financé par les dons de ses utilisateurs.
Il existe aujourd'hui des logiciels et matériels sous licence libre :
que l'on peut connaître,
que l'on peut adapter,
que l'on peut réparer.
Si chacun n'a pas la compétence nécessaire pour réaliser ces opérations lui-même, il est autorisé à trouver d'autres personnes avec qui il peut s'allier pour le faire. Cette condition de possibilité permet de faire émerger des communautés d'intérêt qui peuvent se poser en alternatives aux offres propriétaires et standardisées.
Littératie numérique (savoir-faire)
Le terme de convivialité dans le domaine de l'informatique a usuellement le sens de « facile à utiliser sans se poser de question ». Apple est un des emblèmes de cette acception, avec des machines intégrées, faciles à utiliser. Des alternatives, comme Fairphone ou Raspberry, proposent au contraire des solutions modulaires, à bricoler. Côté logiciel, Linux est une alternative ouverte à Microsoft Windows.
Ces solutions paraissent plus difficiles d'accès à des utilisateurs privés de connaissances informatiques. Leur adoption suppose donc le développement d'une littératie numérique, qui permet de sortir de l'informatique magique et de reprendre du pouvoir aux ingénieurs.
Le projet librecours.net auquel nous participons vise à développer des formations au numérique sur le modèle de l'éducation populaire pour se doter des moyens de comprendre comment cela fonctionne, participer aux choix, retrouver confiance en la machine et en soi, pour la faire fonctionner selon ses besoins, tels qu'on les construit et non tels qu'ils sont construits pour nous par d'autres.